
La politique monétaire de la Banque du Canada et ses effets sur les rendements des CMB
La Banque du Canada (BdC) joue un rôle central dans l’orientation des rendements des CMB, mais il faut comprendre que son impact ne se limite pas à une simple relation directe entre le taux directeur et les rendements des obligations.
a. Contexte des dernières décisions monétaires :
Depuis l’inflation élevée de 2021 et 2022, la BdC a haussé son taux directeur de manière agressive, visant à maîtriser l’inflation. Mais depuis le début de 2023, la politique a évolué vers un assouplissement progressif, avec des baisses limitées et une tendance vers des taux plus stables. Le taux directeur de la BdC a diminué en réponse à un ralentissement économique potentiel, mais ces baisses ont été accompagnées d’une vigilance accrue quant à l’évolution de l’inflation.
b. Transmission des taux directeurs aux rendements obligataires :
Les taux à court terme, comme ceux des CMB, réagissent directement aux mouvements de la politique monétaire. Lorsqu’une banque centrale baisse ses taux directeurs, cela réduit le coût de l’emprunt à court terme pour les gouvernements et les entreprises. Mais ce mécanisme est moins immédiat pour les rendements à plus long terme. Par exemple, les rendements des CMB à 10 ans peuvent ne pas suivre immédiatement les baisses de taux, car les investisseurs intègrent leurs attentes à long terme concernant l’inflation, la croissance et la stabilité économique.
En l’occurrence, si la Banque du Canada poursuit une politique monétaire plus souple à court terme, cela pourrait entraîner une modération des rendements des CMB à court terme, car les investisseurs anticiperaient des conditions de financement plus favorables. Cependant, si les anticipations d’inflation restent élevées (ce qui pourrait être le cas dans un environnement de “stagflation”), les rendements à long terme pourraient ne pas baisser autant, voire augmenter, en raison de la crainte d’une inflation persistante.
c. Effets secondaires de la politique monétaire :
Un autre aspect souvent sous-estimé est l’impact indirect des décisions de la BdC sur les autres segments du marché obligataire. Par exemple, une politique monétaire accommodante pourrait encourager la prise de risques, ce qui ferait baisser les rendements des obligations d’entreprises (en particulier celles de bonne qualité). Cela pourrait affecter la demande de CMB, les investisseurs cherchant des rendements plus élevés dans d’autres classes d’actifs, ce qui pourrait augmenter les rendements des obligations souveraines à long terme.
2. L’inflation et son impact sur les rendements obligataires
L’inflation est le principal facteur qui guide les attentes des investisseurs concernant les rendements à long terme. L’évolution des rendements des CMB est indissociable de la trajectoire de l’inflation, notamment à long terme.
a. Inflation persistante :
L’inflation sous-jacente reste un défi majeur pour les banques centrales. Si l’inflation globale baisse, mais que l’inflation des services et des salaires continue de grimper, les rendements obligataires pourraient rester élevés, même avec des taux directeurs plus bas. Cela peut être particulièrement vrai pour les CMB à long terme, car les investisseurs exigeront des rendements plus élevés pour compenser la perte de pouvoir d’achat liée à une inflation persistante.
Par exemple, si la Banque du Canada est perçue comme étant trop lente pour maîtriser l’inflation des biens et services, les investisseurs en CMB pourraient commencer à demander des rendements plus élevés, car ils anticipent que les taux d’intérêt resteront plus élevés pendant une période prolongée.
b. Impact des anticipations d’inflation :
Les rendements des CMB à long terme sont souvent influencés par ce que l’on appelle la “courbe des rendements”, c’est-à-dire l’écart entre les rendements à court terme et à long terme. Lorsque les rendements à long terme sont plus élevés que ceux à court terme (une situation dite de “courbe de rendement inversée”), cela peut signaler que les investisseurs anticipent une inflation élevée à long terme, ce qui conduit à une hausse des rendements obligataires.
En revanche, si l’inflation reste bien maîtrisée, la courbe des rendements pourrait se normaliser (rendements à long terme plus bas que ceux à court terme), ce qui pourrait réduire la pression sur les rendements des CMB.
3. La croissance économique et ses effets sur le marché obligataire
L’état de l’économie canadienne et mondiale a une influence directe sur les rendements des CMB, car la croissance économique affecte les attentes des investisseurs concernant les bénéfices des entreprises, les revenus fiscaux et la capacité du gouvernement à honorer ses dettes.
a. Ralentissement économique :
Si l’économie canadienne montre des signes de ralentissement (par exemple, un ralentissement du marché immobilier ou une réduction de la consommation intérieure), cela pourrait pousser la Banque du Canada à continuer d’assouplir sa politique monétaire pour stimuler la demande. Cela pourrait entraîner une baisse des rendements des CMB à court terme, puisque la demande pour des actifs sûrs augmenterait à mesure que les perspectives économiques se détériorent.
Cependant, un ralentissement de la croissance pourrait également signifier que les rendements des CMB à long terme ne baissent pas immédiatement, car les investisseurs pourraient craindre des déficits budgétaires croissants et une dette publique accrue.
b. Récession et impact sur les rendements :
En cas de récession, les rendements obligataires à long terme pourraient baisser car les investisseurs recherchent des actifs plus sûrs, comme les obligations d’État. Une récession pourrait inciter la Banque du Canada à maintenir des taux bas encore plus longtemps, créant ainsi un environnement favorable pour les obligations à faible rendement, dont les CMB. Toutefois, une récession prolongée pourrait aussi entraîner des tensions budgétaires, ce qui, à terme, pourrait pousser les rendements des CMB à remonter en raison des inquiétudes sur l’endettement gouvernemental.
4. Les tendances mondiales et leur influence sur le Canada
L’économie canadienne n’évolue pas dans un vide. Les taux d’intérêt et les rendements obligataires sont souvent influencés par les politiques économiques mondiales, en particulier celles des États-Unis, qui sont les plus puissantes au monde en matière de politique monétaire.
a. Taux de la Réserve fédérale des États-Unis (Fed) :
Si la Réserve fédérale maintient ou relève ses taux, cela pourrait pousser les rendements des CMB à la hausse, car les investisseurs chercheront à obtenir un rendement plus élevé pour compenser la hausse des rendements américains. En outre, une politique monétaire restrictive aux États-Unis pourrait aussi réduire l’appétit pour le risque, poussant les investisseurs vers des actifs plus sûrs comme les CMB, ce qui pourrait paradoxalement augmenter les rendements en raison de la demande accrue.
Si la Fed décide de maintenir des taux élevés, les rendements des CMB à long terme au Canada pourraient rester plus élevés que prévu, même si la BdC abaisse ses taux.
b. Les tensions géopolitiques et leur impact :
Les tensions mondiales, qu’elles soient commerciales, politiques ou militaires, ont également un effet sur les rendements obligataires. Par exemple, une crise géopolitique majeure pourrait entraîner une hausse des rendements des CMB à court terme, car les investisseurs fuient vers des actifs plus sûrs en période d’incertitude. Inversement, si ces tensions se dissipent, les rendements pourraient baisser, car la recherche de sécurité diminue.
5. L’évolution du marché obligataire et des autres investissements
Le marché obligataire lui-même est influencé par une variété de facteurs autres que les décisions monétaires, l’inflation et la croissance économique.
a. Flux de capitaux et appétit pour le risque :
Les rendements des CMB dépendent aussi des flux de capitaux. Si les investisseurs institutionnels ou étrangers jugent les actifs canadiens trop risqués, les rendements des CMB pourraient augmenter, même si la Banque du Canada réduit ses taux. D’autre part, si les investisseurs perçoivent l’économie canadienne comme étant relativement stable, cela pourrait limiter les hausses de rendements, même dans un environnement d’inflation élevée.
b. Spéculation et ajustement des anticipations :
Parfois, les rendements sont influencés par des spéculations sur les actions futures de la Banque du Canada. Si les investisseurs croient que la BdC va changer de politique monétaire, cela peut se refléter dans les rendements des CMB. Un ajustement des anticipations concernant les hausses de taux futures peut entraîner des mouvements brusques dans les rendements à court terme.
Conclusion
Les rendements des CMB, tout comme les autres obligations
d’État, ne sont pas simplement dictés par les taux directeurs de la Banque du Canada, mais par une multitude de facteurs interconnectés : l’inflation, la croissance économique, la politique monétaire mondiale, la situation géopolitique et les dynamiques internes du marché obligataire. À court terme, les rendements pourraient être volatils, mais à long terme, l’inflation et la politique monétaire demeurent les principaux moteurs de ces rendements.
Si la Banque du Canada choisit de rester vigilante face à l’inflation tout en adoucissant sa politique monétaire, les rendements à court terme pourraient modérer, tandis que les rendements à long terme pourraient rester sous pression en fonction de l’évolution économique et de la perception du risque. Dans un scénario de croissance modérée, de tensions géopolitiques ou d’inflation persistante, on pourrait voir les rendements des CMB augmenter malgré une politique monétaire plus souple.
Par Annie le AI de l’Académie